De la fertilité des sols à la santé de la terre : retour sur un processus d’apprentissage collectif visant l’évaluation de la santé des sols cultivés en agriculture paysanne

Type de document
thesis
Langue source
-- Langue source --
Titre
De la fertilité des sols à la santé de la terre : retour sur un processus d’apprentissage collectif visant l’évaluation de la santé des sols cultivés en agriculture paysanne
Titre français
Titre anglais
Auteur(s)
  • RICHELLE L.
Editeur(s)
Autre(s)
Id
MJA3Z7S5
Version
3085
Date ajout
8 avril 2021 08:18
Date modification
8 avril 2021 08:18
Résumé
Les sols cultivés subissent depuis plusieurs décennies des phénomènes de dégradation tels que l’érosion, la contamination, le tassement et la perte de matières organiques. Cette dégradation constatée en de nombreux endroits du globe est due, en grande partie, à la façon dont la vie ou activité biologique des sols a été négligée et détériorée par l’expansion d’un modèle agroindustriel basé sur une gestion chimique de la fertilité. Pourtant, les connaissances paysannes et/ou scientifiques sur la vie des sols et sur son rôle essentiel dans le renouvellement de leur fertilité ne datent pas d’hier mais elles semblent cependant avoir été passées sous silence par l’idéologie de la modernisation agro-industrielle. L’application de cette idéologie est en effet à l’origine d’une double fracture qui tend à isoler les sols cultivés à la fois de leur milieu vivant et de leur histoire agricole par la diffusion mondiale d’un modèle agricole au sein duquel l’agriculture paysanne et la vie des sols cultivés sont absentes. Aujourd’hui, les conséquences désastreuses de ce modèle agricole ne sont plus à prouver et la recherche d’alternatives est en cours à plusieurs niveaux, y compris celui de la recherche scientifique. L’évaluation de la soutenabilité des systèmes agricoles est, de ce fait, devenue une priorité. La biologie et l’écologie des sols sont redevenus des champs d’investigation dignes d’intérêt et de nombreux projets de recherche visent à élaborer des indicateurs biologiques de l’état des sols cultivés. La vie des sols est, semble-t-il, en voie de retrouver une place centrale au sein de la transition écologique de l’agriculture mais qu’en est-il des conceptions, connaissances et pratiques paysannes ? La plupart des recherches en la matière continuent d’être menées sans concertation avec les agriculteurs et agricultrices qui sont pourtant, encore aujourd’hui, en première ligne en ce qui concerne la façon d’évaluer et de prendre soin des sols cultivés. Au sein de ces recherches nous postulons que l’amélioration de l’état de santé des sols cultivés n’a de chance d’être concrètement mise en œuvre que par un double mouvement de liaisons qui implique de restituer aux sols cultivés à la fois leurs dimensions écologique et paysanne. Nous considérons que l’écologisation des systèmes agricoles ne peut se faire sans la collaboration des agricultrices et agriculteurs et qu’il s’agit pour cela de co-construire également avec elles-eux des indicateurs pertinents permettant d’évaluer l’état de santé de leurs sols afin d’orienter leurs propres pratiques. La question de l’évaluation des effets des pratiques agricoles sur les sols cultivés et sur l’ensemble du milieu est cruciale car un système d’évaluation peut tout autant être un outil de pouvoir qui permet à un système en place de se maintenir qu’un moteur de changement, notamment par l’élaboration de nouveaux types d’indicateurs. Dans ce deuxième cas il s’agit d’un outil essentiel pour guider et renforcer les alternatives. La proposition d’une évaluation agroécologique des sols cultivés implique de travailler dans une perspective transdisciplinaire fondée sur le dialogue entre des conceptions, connaissances et pratiques scientifiques et paysannes. La mise en dialogue de différentes formes de connaissance nécessite néanmoins de reconnaître les rapports de pouvoirs qui ont produit les différences de statuts existants entre les interlocuteur·rice·s en termes de légitimité des connaissances. La relation de domination historique des agronomes envers les paysan·ne·s se doit d’être remise en cause afin de permettre la co-construction de connaissances partagées à partir d’une reconnaissance de la pluralité et de l’égalité des formes de connaissance. Apparue au sein du milieu scientifique nord-américain dans les années 90, la notion de santé des sols - qui insiste sur le caractère vivant des sols et sur l’importance de maintenir dans la durée leur capacité à soutenir la santé des plantes, des animaux et des humains- est associée à plusieurs expériences de recherches participatives visant à élaborer des fiches d’évaluation des sols à partir de critères utilisés par les agriculteur·rice·s. Notre travail de recherche s’inscrit dans la continuité de ces initiatives car elles ne rompent pas le lien entre celles et ceux qui évaluent la santé des sols et celles et ceux qui les cultivent. Ce lien nous apparaît essentiel afin d’assurer une portée pratique à l’évaluation agroécologique. La notion de santé des sols facilite également cette liaison car elle est familière aux agriculteur·rice·s et porte en elle l’idée de prendre soin qui implique à la fois d’être attentif à l’état des sols cultivés, c’est-à-dire à évaluer leur santé de façon continue, et de mettre en œuvre des pratiques agricoles régénératrices. Concrètement, notre travail de recherche fut mené d’avril 2013 à juin 2016 dans la région de Córdoba, en Andalousie, avec un petit groupe d’agriculteurs et agricultrices pratiquant une agriculture écologique et paysanne. Ce type de pratique est marginal au sein du contexte agricole andalou qui se caractérise plutôt par l’omniprésence d’une agriculture spécialisée, chimique et industrialisée. Le choix de constituer un groupe de travail ne représentant qu’une forme d’agriculture minoritaire dans la région émane notamment de l’attention portée à la santé des sols par cette agriculture écologique et paysanne. Nous avons donc cherché à élaborer, sur base d’un objectif commun défini au sein du groupe de travail, une méthode qualitative d’évaluation et de suivi de la santé des sols. Notre démarche collaborative se fonde sur un processus d’apprentissage collectif permettant une mise en dialogue des connaissances ancré dans la pratique en vue de générer des connaissances contextualisées et pertinentes pour l’action. Ce processus implique plusieurs étapes dont la succession peut être répétée autant de fois que nécessaire, il s’agit de : la contextualisation pratique des connaissances ; la mise en évidence des distinctions entre les connaissances mises en dialogue ; et l’élaboration d’un langage commun permettant de coconstruire des connaissances et des outils pratiques partagé·e·s. Chaque étape du processus nécessite également un moment réflexif et une mise en perspectives des résultats intermédiaires afin d’amorcer les étapes suivantes. Cette dimension réflexive de la recherche collaborative est essentielle à la qualité de son déroulement et des résultats obtenus. La première phase du processus a permis d’appréhender la diversité pédologique présente au sein des fermes. Cette phase, comprenant plusieurs activités de recherche collaborative au niveau des fermes et du groupe d’apprentissage, a débouché sur la co-construction d’une fiche d’observation des sols qui fut utilisée pour effectuer la caractérisation de la diversité pédologique de chacune des fermes. La deuxième phase de recherche collaborative, focalisée plus spécifiquement sur l’évaluation de la santé des sols cultivés, a permis de compléter la première fiche d’observation par une fiche d’évaluation basée sur des indicateurs de la santé de sols co-construits. Cette phase fut aussi l’occasion de définir collectivement la notion de santé des sols et les caractéristiques d’un sol sain. La complémentarité des deux fiches constitue la base de la méthode d’évaluation de la santé des sols qui permet à la fois d’orienter au cas par cas les pratiques agricoles en fonction de l’état de santé des sols et d’en suivre les effets sur la santé des sols à moyen et long terme. Dans l’ensemble, ce processus collaboratif a également permis de mettre en lumière les conceptions, connaissances et pratiques paysannes liées aux notions de fertilité et de santé des sols cultivés qui témoignent de l’importance de la singularité de la relation qui s’élabore, au fil de l’activité agricole, entre une agricultrice ou un agriculteur et la terre cultivée. La singularité affective de cette relation est l’une des distinctions majeures par rapport à la relation qu’un·e scientifique entretient avec les sols en général en tant qu’objet d’étude. D’après notre expérience de recherche, c’est de cette distinction que découlent la plupart des distances entre les formes de connaissances paysannes et scientifiques concernant les sols cultivés. Le cadre méthodologique collaboratif expérimenté dans ce travail que nous avons nommé recherche action collaborative en agroécologie (RACA) s’inspire à la fois de la recherche action participative et de la recherche collaborative et se base sur un cheminement thématique qui permet de guider le processus d’apprentissage collectif. L’application concrète de ce cadre méthodologique par l’expérimentation de notre démarche de recherche collaborative a porté ses fruits en permettant à la fois de structurer le processus et d’en accueillir les remaniements propres à son caractère itératif. Cette démarche collaborative visant la co-construction de méthodes d’évaluation de la santé des sols cultivés peut être reproduite dans d’autres contextes et contribuer ainsi à la multiplication de méthodes d’évaluations contextualisées et intégrées directement à la pratique de l’agriculture. Cette perspective de recherche s’inscrit dans un courant plus large qui vise à accompagner et renforcer les alternatives agricoles portées par des agricultrices et agriculteurs cherchant à redonner une place centrale à la vie des sols et à l’écologie du milieu cultivé.
Note
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Date caractères
2019
Date publication
1 janvier 2019