De la fourche à la fourchette". Le métier d'éleveur bovin wallon : une relation au vivant oubliée

Type de document
thesis
Langue source
Français
Titre français
De la fourche à la fourchette". Le métier d'éleveur bovin wallon : une relation au vivant oubliée
Titre anglais
From pitchfork to fork ". The profession of Walloon cattle breeder: a forgotten relationship with the living
Auteur(s)
  • JAUMOTTE M
Editeur(s)
Autre(s)
Id
BKRZ46LS
Version
3218
Date ajout
15 janvier 2021 10:05
Date modification
12 avril 2021 15:49
Résumé français
Sur le territoire wallon, un nombre important de fermes disparaît chaque année : entre 1990 et 2014, le nombre d’exploitations agricoles n’a cessé de diminuer, passant de 29.083 à 12.9021. La vache, un des emblèmes de l’agriculture wallonne, ne semble pour autant pas disparaître de notre quotidien. D’après André Micoud (2003) il en existe trois sortes : tout d’abord, « la vache mythique », celle provenant d’un souvenir passé nostalgique ou imaginé d’un animal tranquille, gentil, généreux. Ensuite, « la vache artistique », celle en images qui a traversé les courants artistiques, du surréalisme au dadaïsme jusqu’à la pochette du cinquième album de Pink Floyd, ou dont la publicité nous abreuve régulièrement, qu’il s’agisse de la Vache qui rit ou encore de la vache Milka, d’un mauve surnaturel. Et enfin, « les vaches réelles » qui, en revanche, semblent avoir été rendues invisibles, et qui, lorsqu’elles réapparaissent de manière soudaine, viennent bousculer nos représentations attenant aux deux premières catégories, notamment lorsque des évènements tels que la vache folle ou la grippe aviaire rappellent au grand public ce qu’il advient du monde de l’élevage industrialisé au sein duquel une grande partie de ces vaches se trouve. Mais qu’en est-il réellement de ces « vaches réelles » et qu’advient-t-il de l’élevage contemporain ? Lors de recherches préalables à ce mémoire, j’ai pu m’apercevoir de l’incompréhension partagée, tant chez certains consommateurs que chez certains défenseurs de la cause animale, au sujet de la relation qu’entretient l’éleveur avec ses bêtes, qu’ils voient comme une apparente contradiction : « Comment peut-on aimer, élever une bête, lui porter soin et affection et la retrouver un an plus tard dans son frigo pour la manger ? » (Journal de terrain, consommatrice de produits d’élevage, 30/03/2018), ou « If you eat them you don’t love them » (JT, message porté par des défenseurs de la cause animale lors d’une convention végane, 13/05/2018)2. Alors que jusqu’au XIXème siècle, les animaux de rente trouvaient leur place auprès des humains et des animaux de compagnie, dans le paysage rural, cela ne semble plus être le cas depuis la révolution agricole (Roué, 2002: 41). La relation éleveur-bovin ne semble plus faire sens ou du moins semble source d’incompréhension pour un grand nombre d’individus dans notre société occidentale contemporaine. Mais alors de quoi est constituée cette relation ? La première rencontre dans le cadre de ce terrain fut avec une représentante d’éleveurs, qui m’a soutenu : « Les agriculteurs qui aiment leurs animaux ont conscience qu’ils vont être mangés. Cette différence s’estompe dans le commun. Pour l’agriculteur, c’est très clair […] un animal reste un animal » (Représentante des éleveurs, 26/03/18, Gembloux). Cette affirmation rend-elle compte de la réalité ? La dichotomie entre animal et humain est-elle si marquée ? Le discours des éleveurs, sur le terrain, semble faire état d’une réalité plus nuancée. Le système industriel et intensif qui a pris place dans les années soixante a oeuvré à un changement de la représentation des animaux de rente ainsi que de la profession d’éleveur, mais plus largement a modifié notre rapport au monde du vivant, à la nature et aux animaux (Porcher, 2003b). En parallèle se sont également développées des préoccupations au sujet du bien-être animal (Vandenheede, 2003: 17). Mes extraits témoignent de la conscience des éleveurs à propos des changements au sein du secteur, tant concernant le nombre de fermes qui diminue, la qualité de la relation entre agriculteurs qui se modifie, la technologie de plus en plus présente au sein des activités, l’augmentation du nombre de bêtes, des prix du foncier, du bétail, des matières premières, leur revenu qui diminue, l’attrait pour la profession qui s’estompe, l’augmentation du nombre de réglementations contraignant leur travail, etc. Plus encore, ils ont l’impression d’être incompris, de ne pas être écoutés par les institutions mais également par l’ensemble de la société. D’après eux, les gens ne sont plus au fait de ce qu’est l’élevage, ils n’ont plus connaissance de la réalité de terrain. Tous ces éléments semblent faire état d’une déconnexion entre l’éleveur et le grand public. Si l’on y prête attention, la vache est partout, et pourtant le métier d’éleveur contemporain, lui, semble méconnu. Les agriculteurs ont donc conscience de ces changements qui pèsent sur eux, et ressentent une pression de la part des consommateurs et des citoyens. Dans un autre ordre d’idée, à la notion d’animal domestique est souvent associée l’idée d’animal de compagnie, l’animal de rente étant relégué au second rang (Roué, 2002: 40). D’un point de vue historique, la domestication remonte à des milliers d’années, à commencer par le loup environ douze mille ans avant J-C (Baratay, 2003: 17). Cela a été concevable par l’avantage que l’humain a su tirer des comportements sociaux de certaines espèces (Larrère, 1999). L’une des explications de la domestication proviendrait de la volonté de rendre disponible un approvisionnement carné dans les sociétés sédentaires Il est à noter que l’élevage et la domestication ne peuvent se confondre : « L’élevage consiste à veiller à la reproduction, l’entretien et le développement de troupeaux. Il est distinct de la domestication car il concerne aussi les bêtes sauvages retenues par exemple dans les parcs ou les réserves de chasse » (Baratay, 2003: 27). Datant du cinquième millénaire avant J-C, l’élevage, que ce soit dans sa conceptualisation, sa réalisation, les raisons de cette dernière ou encore dans la façon de mettre fin à la vie de l’animal, n’a fait que se modifier (Baratay, 2003). Alors que notre histoire avec les animaux domestiques remonte à des milliers d’années, le développement du système industriel qui prend place depuis 1960 remet en question l’élevage de façon radicale, ainsi que le lien social avec les animaux, notamment en transformant la représentation de l’animal et la profession de l’éleveur (Porcher, 2002: 111).
Résumé anglais
In Walloon territory, a significant number of farms disappear each year: between 1990 and 2014, the number of farms has continued to decrease, dropping from 29,083 to 12,9021. The cow, one of the emblems of Walloon agriculture, does not seem to disappear from our daily lives. According to André Micoud (2003) there are three kinds: first, "the mythical cow", the from a nostalgic or imagined past memory of a quiet, kind, generous animal. Then, "The artistic cow", the one in images that has crossed artistic trends, from surrealism to Dadaism up to the cover of Pink Floyd's fifth album, or whose advertising we regularly drink, Whether it's the Laughing Cow or the Milka cow, a supernatural mauve. And finally, "the real cows "which, on the other hand, seem to have been made invisible, and which, when they reappear suddenly, disrupt our representations adjoining the first two categories, especially when events such as mad cow disease or avian influenza remind the general public what is happening to the world of industrialized breeding in which a large part of these cows is found. But what about these "real cows" and what happens to the breeding contemporary? During research prior to this thesis, I was able to notice a lack of understanding shared, both among some consumers and some animal rights activists, about the relationship the breeder has with his animals, which they see as an apparent contradiction: "How can we love, raise an animal, give it care and affection and find it a year later? in his fridge to eat it? "(Field journal, consumer of livestock products, 03/30/2018), or "If you eat them you don’t love them" (JT, message carried by defenders of animal cause during a vegan convention, 05/13/2018) 2. While until the 19th century, production animals found their place with humans and pets, in the rural landscape, this no longer seems to be the case since the agricultural revolution (Roué, 2002: 41). The relationship breeder-cattle no longer seems to make sense or at least seems a source of misunderstanding for a large number of individuals in our contemporary western society. But then what is this relationship ? The first meeting within the framework of this field was with a representative of breeders, who told me argued, “Farmers who love their animals know they are going to be eaten. This the difference fades into the common. For the farmer, it is very clear [...] an animal remains a animal ”(Breeders' representative, 03/26/18, Gembloux). Does this statement reflect reality? Is the dichotomy between animal and human so marked? The discourse of breeders, on field, seems to point to a more nuanced reality. The industrial and intensive system that took place in the sixties has worked towards a change in the representation of production animals as well as the breeder profession, but no longer has greatly modified our relationship to the living world, to nature and to animals (Porcher, 2003b). In At the same time, concerns about animal welfare have also developed (Vandenheede, 2003: 17). My extracts testify to the awareness of breeders about the changes within the sector, both in terms of the number of farms which is decreasing, the quality of the relationship between farmers who is changing, technology is increasingly present in activities, the increase in the number of animals, the prices of land, livestock, raw materials, their declining income, the attraction of fading profession, the increase in the number of regulations restricting their work, etc. Even more, they have the impression of being misunderstood, of not being listened to by the institutions but also by the whole of society. According to them, people are no longer aware of what breeding is, they are no longer aware of the reality on the ground. All these elements seem to point to a disconnection between the breeder and the general public. If you pay attention, the cow is everywhere, and yet the profession of contemporary breeder seems to be little known. Farmers are therefore aware of these changes weighing on them, and feeling pressure from consumers and citizens. On another note, the notion of domestic animal is often associated with the idea of ​​animal companion, the production animal being relegated to second place (Roué, 2002: 40). From a point of view Historically, domestication dates back thousands of years, starting with the wolf about twelve thousand years before J-C (Baratay, 2003: 17). This was conceivable by the advantage that humans have been able to derive from social behavior of certain species (Larrère, 1999). One of the explanations for domestication would come from the desire to make available a meat supply in sedentary societies It should be noted that breeding and domestication cannot be confused: "Breeding consists of oversee the reproduction, maintenance and development of herds. It is distinct from domestication because it also concerns wild animals retained for example in parks or hunting reserves ” (Baratay, 2003: 27). Dating from the fifth millennium BC, breeding, whether in its conceptualization, its realization, the reasons for it or in the way of ending the life of the animal, has only changed (Baratay, 2003). While our history with animals domestic industry dates back thousands of years, the development of the industrial system that takes place since 1960 has radically questioned breeding, as well as the social bond with animals, in particular by transforming the representation of the animal and the profession of the breeder (Porcher, 2002: 111).
Note
None
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  • AB - Non-spécifique
  • FREDO adaptation aux changements globaux
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  • élevage
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Date caractères
2020
Date publication
1 janvier 2020